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20/04/2018 | FRANCE | N°2018-702

France | France, Conseil constitutionnel, 20 avril 2018, 2018-702


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 5 février 2018 par le Conseil d'État (décision nos 414654, 414657 du 1er février 2018), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Fnac Darty par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-702 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution gara

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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 5 février 2018 par le Conseil d'État (décision nos 414654, 414657 du 1er février 2018), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Fnac Darty par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-702 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des mots « , des décisions de révision des mesures mentionnées aux III et IV de l'article L. 430-7 ou des décisions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures » figurant à la seconde phrase du dernier alinéa de l'article L. 461-3 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de commerce ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour la société requérante par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Périer, enregistrées les 27 février et 14 mars 2018 ;
- les observations présentées pour l'Autorité de la concurrence, partie en défense, par la SCP Baraduc Duhamel Rameix, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 27 février et 14 mars 2018 ;
- les observations présentées pour M. Richard Dray et les sociétés Galeries Cardinet, Les 3 D et Terrada, parties à l'instance à l'occasion de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Gadiou, Chevallier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 27 février et 14 mars 2018 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 27 février 2018 ;
- les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Pascal Wilhelm, avocat au barreau de Paris, pour la société requérante, Me Jean-Pierre Chevallier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les parties à l'instance à l'occasion de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, Me Élisabeth Baraduc, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie en défense, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 avril 2018 ;
Au vu des pièces suivantes :
- la note en délibéré présentée par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Périer, Me Wilhelm et Me Olivier Billard, avocats au barreau de Paris, pour la société requérante, enregistrée le 11 avril 2018 ;
- la note en délibéré présentée par la SCP Baraduc Duhamel Rameix, pour la partie en défense, enregistrée le 11 avril 2018 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La première phrase du dernier alinéa de l'article L. 461-3 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi du 6 août 2015 mentionnée ci-dessus, prévoit que le président de l'Autorité de la concurrence, ou un vice-président désigné par lui, peut adopter seul certaines décisions. La seconde phrase du même alinéa prévoit qu'il peut faire de même s'agissant des décisions prévues à l'article L. 430-5 ainsi que : «, des décisions de révision des mesures mentionnées aux III et IV de l'article L. 430-7 ou des décisions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures ».

2. La société requérante reproche à ces dispositions de permettre au président de l'Autorité de la concurrence de prendre seul les décisions de révision et de mise en œuvre des engagements, injonctions et prescriptions décidés par cette autorité dans le cadre de l'examen approfondi des opérations de concentration économique. En ne garantissant pas que ces décisions soient prises collégialement, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions de nature à affecter la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle et le droit de propriété. La société requérante soutient également que, en conférant au président de l'Autorité de la concurrence le pouvoir de décider discrétionnairement de prendre seul les décisions en cause ou de les renvoyer à une formation collégiale, le législateur aurait permis de traiter différemment des entreprises se trouvant pourtant dans la même situation. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi. Les parties à l'instance à l'occasion de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été posée formulent les mêmes griefs.
- Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi :
3. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
4. L'article L. 430-7 du code de commerce définit les conditions selon lesquelles l'Autorité de la concurrence procède à l'examen approfondi des opérations de concentration économique. En application de son paragraphe III, cette autorité peut, par une décision motivée, soit interdire l'opération de concentration et enjoindre, le cas échéant, aux parties de prendre toute mesure propre à rétablir une concurrence suffisante, soit autoriser l'opération en enjoignant aux parties de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante ou en les obligeant à observer des prescriptions « de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence ». En application du paragraphe IV du même article, l'Autorité de la concurrence peut également, par une décision motivée, autoriser l'opération et, le cas échéant, la subordonner à la réalisation effective d'engagements pris par les parties.
5. En application des dispositions contestées, le président de l'Autorité de la concurrence, ou un vice-président désigné par lui, peut adopter seul les décisions de révision des mesures mentionnées aux paragraphes III et IV de l'article L. 430-7 et les décisions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures. Le président peut également renvoyer à une formation collégiale de l'Autorité de la concurrence le soin de prendre une telle décision.
6. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l'exécution effective et rapide des décisions de l'Autorité de la concurrence en matière de contrôle des opérations de concentration, en permettant à son président, ou à un vice-président, de décider seul lorsque l'affaire ne présente pas de difficultés particulières ou lorsque des exigences de délai le justifient.
7. Dans ces conditions, les dispositions contestées n'instaurent aucune différence de traitement entre les personnes intéressées par les décisions en cause. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté.
- Sur le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre :
8. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.
9. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 6, a entendu assurer l'exécution effective et rapide des décisions de l'Autorité de la concurrence en matière de contrôle des opérations de concentration. Ces décisions ont pour objet d'assurer un fonctionnement concurrentiel du marché dans un secteur déterminé. Ce faisant, le législateur a poursuivi un objectif d'intérêt général.
10. En second lieu, d'une part, les dispositions contestées permettent au président ou à un vice-président de l'Autorité de la concurrence de réviser ou de mettre en œuvre, dans le respect des décisions d'autorisation ou d'interdiction d'une opération de concentration, les engagements, injonctions et prescriptions dont ces décisions peuvent être assorties. D'autre part, le législateur a conféré au président et aux vice-présidents de l'Autorité de la concurrence des garanties statutaires équivalentes à celles des autres membres de cette autorité. Enfin, la liberté d'entreprendre n'impose pas que les décisions en cause soient prises par une autorité collégiale.
11. Les dispositions contestées ne portent ainsi pas d'atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre au regard de l'objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissent ni la liberté contractuelle, ni le droit de propriété, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Les mots « , des décisions de révision des mesures mentionnées aux III et IV de l'article L. 430-7 ou des décisions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures » figurant à la seconde phrase du dernier alinéa de l'article L. 461-3 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, sont conformes à la Constitution.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 avril 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 20 avril 2018.


Synthèse
Numéro de décision : 2018-702
Date de la décision : 20/04/2018
Société Fnac Darty [Pouvoirs du président de l'autorité de la concurrence en matière d'opérations de concentration]
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 20 avril 2018 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 20 avril 2018 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2018-702 QPC du 20 avril 2018
Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2018:2018.702.QPC
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